L'artiste
sahraouie Aziza Brahim a dénoncé sa déprogrammation et
l'annulation de son concert à l’Institut du monde arabe (IMA)
suite à une pression marocaine.
"Ce
n’est un secret pour personne. Le concert a été annulé suite à
la pression de l’ambassade du Maroc et des mécènes marocains. Je
ne comprends pas qu’une institution publique, en France, qui sait à
quel point la liberté d’expression n’est pas respectée au
Maroc, cède à ce chantage", a déclaré la chanteuse
résistante sahraouie dans une interview au journal Le Monde publiée
vendredi.
Aziza
Brahim était programmée en clôture de la première édition du
festival "Les Arabofolies", sous-titrée "Résistances".
Selon l'agent en France de l'artiste, Greg Connan, un site marocain
d’information a alerté l’ambassade pour contacter le président
de l'IMA, Jack Lang, afin qu'il annule le concert.
"La
programmatrice m’a informé qu’ils avaient reçu un coup de fil
insistant sur le fait qu’Aziza Brahim était une activiste du Front
Polisario, ce qui est totalement faux", a expliqué son agent
qui a raconté à l'IMA le parcours et les idées de l'artiste
sahraouie, précisant que les responsables de la programmation "ont
tenté de sauver ce concert, sans résultat".
"En
tant qu’artiste et en tant qu’être humain, oui, je suis en
résistance", a affirmé Aziza Brahim au journal qui a tenté
d'obtenir une explication de l'IMA mais en vain.
L'artiste
a expliqué que sa musique, son travail sont "très
revendicatifs", soulignant qu'ils "véhiculent des idées
de paix et de dialogue".
"Je
suis une activiste sociale. Ma revendication sociale est par rapport
à mon peuple et à la société dans laquelle je vis en Europe. Tous
les mensonges et les inventions des Marocains n’ont rien à voir
avec ma trajectoire", a-t-elle ajouté.
Elle
a indiqué que son nouvel album est un mélange de blues, de musique
traditionnelle et d’électro, qui parlera de son peuple et de sa
terre, le Sahara occidental, occupé illégalement par le Maroc
depuis plus de 40 ans et sur lequel aucun pays au monde ne lui
reconnait une quelconque souveraineté marocaine.
"J’évoque
dans ce disque la relève chez les jeunes de cette lutte pour nos
droits et les générations successives, dont la mienne, qui n’ont
connu cette terre qu’à travers ce que les anciens leur ont
raconté", a expliqué Aziza Brahim jointe par téléphone de
Barcelone, où elle vit depuis dix ans et finalise le mixage d’un
cinquième album dont la parution est prévue à l’automne.
"J’y
parle d’exil, des migrants, de tout ce qui me préoccupe dans mon
quotidien et ce que j’entends ici depuis l’Europe, l’Espagne,
où je vis depuis 2000. Ce qui se passe en Libye par exemple, les
gens qui y sont réduits en esclavage", a ajouté cette
Sahraouie native des camps de réfugiés de Tindouf, lieu où a germé
son envie de musique et d’écrire des chansons.
Elle
a expliqué qu'elle ne fait, à travers ses chansons, que "rendre
compte" de ce qu'elle voit quand elle va visiter sa famille, "de
la lutte qu’ils mènent et du contexte qu’il y a là-bas"